Le projet ScCRYO2 vise à disposer de données et de modèles fiables pour comprendre les phénomènes mécaniques, thermiques et tribologiques en jeu lors de l’usinage assisté par scCO2.
ScCO2 : un fluide magique ?
Les exceptionnelles qualités solvantes du C02 supercritique sont connues depuis longtemps. Ce « super solvant vert » qui associe capacité de refroidissement de l’outil et accroissement de l’effet du lubrifiant est apparu comme une alternative à l’utilisation des huiles industrielles menacées par la réglementation européenne REACH et mises en causes pour leurs impacts environnementaux et sanitaires.
L’augmentation de la productivité est également un enjeu.
« 50 % de la consommation électrique de certaines machines est dédiée exclusivement à l’alimentation de leur système de refroidissement », rappelle Frédéric Rossi, LaboMaP. Les économies d’énergie générées par l’utilisation d’une assistance au CO2 recyclé sont donc potentiellement considérables. En cumulant cette économie avec la baisse des achats d’huile et les gains de temps liés à la suppression des opérations de nettoyage (par ailleurs très gourmandes en eau), on peut espérer de vrais gains de productivité qui suscitent l’intérêt de tous les industriels.
Passer de l’empirique aux certitudes scientifiques
Pourtant si l’on constate des résultats très probants dans les entreprises qui ont adopté le système, on ne sait pas vraiment les expliquer. Pire, pour certains usages, la solution est décevante… et on ne l’explique pas mieux ! Pour lever définitivement les verrous à l’adoption de ce nouveau mode de production, il est impératif de passer des aléas empiriques aux certitudes scientifiques.
Pour que cette technologie s’impose dans de nombreux secteurs, il est nécessaire de mieux la comprendre pour la fiabiliser.
C’est l’objectif du projet de recherche ScCRYO2, emmené par Frédéric Rossi et de ses démonstrateurs « Vénus » sur les «procédés d’usinage respectueux de l’environnement et des personnes en utilisant l’assistance cryogénique».
Un projet Carnot ARTS
Ce projet sur cinq ans, initié en 2021, rassemble les compétences de quatre laboratoires Arts et Métiers : LaBoMap de Cluny, LIFSE de Paris, LAMPA d’Angers et l’I2M de Chambéry.
Il est financé par le Carnot ARTS dans le cadre du ressourcement des projets de recherche à fort potentiel industriel. Le CETIM, les Régions Pays de Loire et Bourgogne Franche Comté, ainsi que la métropole d’Angers et le CSC sont également partenaires du projet.
L’objectif est de disposer de données et de modèles fiables afin de comprendre les phénomènes mécaniques, thermiques et tribologiques en jeu lors de l’usinage assisté par scCO2. Cela permettra d’améliorer la durée de vie des outils et la qualité des pièces produites, tout en préservant l’environnement et la santé des opérateurs.
« Grâce à nos stations de démonstration Venus, il sera enfin possible de comparer sur plusieurs critères les différentes configurations d’assistance CO2 entre elles et/ou avec les pratiques d’usinage plus classiques afin de choisir les process les plus performants, en fonction des matériaux et des applications, » explique Frédéric Rossi.
« Le premier modèle Vénus 1 nous a permis de réaliser des tests sans aucun lubrifiant ou avec un faible ajout d’huiles classiques », précise Koffi Samuel Koulekpa, doctorant associé au projet. Une lueur gourmande dans le regard, il ajoute : « avec les prochains démonstrateurs, nous comparerons plusieurs lubrifiants dissous dans le scCO2 et évaluerons leurs effets sur le procédé. »
La fin programmée des huiles de coupe ?
Pour Koffi Samuel Koulekpa, l’assistance cryogénique ne va pas se substituer totalement aux huiles de coupe mais la solution est indéniablement appelée à se développer dans différents secteurs. Il prédit : « dans quelques années, ces solutions seront beaucoup plus répandues dans les usines produisant des pièces à forte valeur ajoutée mais les huiles ne seront pas totalement remplacées partout. »
Pour Frédéric Rossi, cela pose aussi la question de la « structuration de la filière de valorisation du CO2 autour d’une véritable économie circulaire participant à la décarbonation. »
Hakim Cheniti, Director European Business Development at Fusion Coolant Systems dont la solution de production de ScCO2 a été développée à l’Université du Michigan, conclut : « Depuis 2016, nous avons prouvé que la cryogénisation scCO2 changeait les règles du jeu dans de nombreux secteurs, mais personne ne connaît encore vraiment les nouvelles règles du jeu ».
Ce sont justement ces nouvelles règles que les chercheurs Arts et Métiers du projet ScCRY02 sont en train de poser. Affaire à suivre…
Frédéric Rossi et Koffi Samuel Koulekpa, LaBoMap de Cluny