
Professeure invitée à Arts et Métiers, Yaoping Hu revient sur dix ans de collaboration scientifique avec Frédéric Merienne. Elle partage son parcours et sa vision d’une science sans frontières.
Quelles sont les raisons qui vous ont poussé à accepter ce poste d'invité à Arts et Métiers ? Pouvez-vous nous parler de votre collaboration avec Frédéric Merienne ?
Tout a commencé en 2014 lorsque nous avons postulé avec le Dr Merienne au Fonds de recherche franco-canadien (FCRF). Nous avons eu la chance d’obtenir un financement, et ce fut le point de départ de notre collaboration. Cela nous a permis d'échanger des étudiants et de publier plusieurs travaux communs. Malheureusement, la pandémie de COVID-19 a interrompu nos activités. Nous avons repris notre collaboration dès que possible avec l'ambition d'aller plus loin et avons commencé à organiser cette visite. Je suis très heureuse des progrès réalisés jusqu'à présent. Actuellement, nous travaillons sur plusieurs projets : nous avons publié un article commun cet été et soumis un autre manuscrit juste avant Noël. Nous organisons également des ateliers de recherche entre nos doctorants respectifs. Ces ateliers sont très stimulants car ils nous permettent d'échanger des idées et d'explorer de nouveaux projets potentiels. Nous envisageons de postuler au programme « FCRF Plus » en 2025, qui est une continuation du financement initial mais qui vise des projets plus ambitieux. Nous avons également discuté de la possibilité de monter des projets européens, notamment dans le cadre du programme Horizon Europe. Ces discussions sont très prometteuses et nous espérons réaliser ces projets dans un avenir proche.
Comment vous sentez-vous un mois après votre arrivée ?
Je me sens très bien. Le climat est beaucoup plus doux qu'au Canada et j'ai apprécié la découverte des marchés de Noël et de la culture locale. J'ai également visité plusieurs laboratoires des Arts et Métiers à Paris, ce qui m'a beaucoup impressionné. C'est une expérience enrichissante tant sur le plan professionnel que personnel. Sur le plan de la recherche, nous avons bien avancé et les échanges avec les étudiants et les collègues sont très fructueux. Sur le plan personnel, j'ai eu l'occasion de découvrir la richesse culturelle de la région, notamment en visitant des villes comme Dijon, Beaune et Lyon. La gastronomie et les vins de Bourgogne sont également des aspects que j'apprécie beaucoup. Dans l'ensemble, cette expérience est très positive et je suis ravie d'être ici.
Selon vous, quel est le principal avantage des collaborations de recherche avec d'autres pays ? Y a-t-il quelque chose en particulier que vous appréciez dans vos collaborations avec la France ou avec Arts et Métiers ?
Les échanges culturels sont essentiels pour la recherche et je suis très heureux de m'immerger dans cette culture. Je pense que mon français s'est un peu amélioré. En termes de recherche, nous avons progressé comme prévu et je suis satisfaite des résultats obtenus jusqu'à présent. Nous avons également discuté avec les doctorants pour comprendre leur travail et contribuer à stimuler leur réflexion. J'ai remarqué que les interactions en physique, comme les déjeuners partagés, sont très enrichissantes et nous permettent de discuter de sujets variés, ce qui est difficile à reproduire en ligne. Je pense que nous avons perdu cette sensibilité lors de COVID-19, et je suis heureux de la retrouver.
Qu'est-ce qui a suscité votre intérêt pour l'évaluation des interactions entre l'homme et les systèmes numériques ? Est-ce le résultat d'une conférence ou d'une lecture personnelle particulièrement mémorable ?
C'est un mélange de circonstances et de passion. Au milieu des années 1990, mon mari a obtenu un poste dans une université canadienne et nous avons déménagé. J'ai commencé à travailler comme programmeuse pour un professeur de neurosciences, ce qui a éveillé ma curiosité pour la recherche. J'ai alors décidé de passer un doctorat, en combinant mon intérêt pour l'ingénierie et les neurosciences. Cette décision a été influencée par mon désir de comprendre et de reproduire le comportement humain par le biais de la technologie. Mon parcours a été jalonné de rencontres et d'opportunités qui m'ont orienté vers la recherche. Par exemple, en travaillant sur des projets de réalité virtuelle et de robotique, j'ai découvert l'importance de la collaboration interdisciplinaire et l'impact que la recherche peut avoir sur notre compréhension du monde. C'est cette passion pour l'innovation et la découverte qui me motive chaque jour dans mon travail.
Quand avez-vous décidé de travailler en tant que chercheur ?
J'étais très jeune lorsque mon professeur de physique au lycée m'a beaucoup influencé. Il me donnait des devoirs supplémentaires et me posait des questions difficiles, croyant en mon potentiel. Cet encouragement m'a poussé à poursuivre des études d'ingénieur. Plus tard, lorsque j'ai conseillé ma fille au lycée, j'ai insisté sur l'importance de choisir un domaine qui lui plaise, car cela rendra sa carrière épanouissante. Elle a choisi la biologie, en se concentrant sur le développement cellulaire, mue par l'idée que la recherche fondamentale est le moteur de l'innovation. Les enseignants du secondaire jouent un rôle crucial dans la formation de la pensée et des perspectives des élèves, ce qui peut avoir un impact sur leur vie entière.
Quels conseils donneriez-vous aux étudiants intéressés par une carrière de chercheur dans votre domaine ou dans tout autre domaine ?
En trois mots : curiosité, persévérance et plaisir. Soyez curieux, explorez de nouvelles idées et ne cessez jamais d'apprendre. La persévérance est également essentielle car la recherche est un domaine où l'on rencontre souvent des échecs avant de réussir. Il est important de ne pas se décourager et de continuer à avancer malgré les obstacles. Enfin, il faut trouver du plaisir dans ce que l'on fait. La recherche est un parcours avec des hauts et des bas, mais c'est cette passion et cette détermination qui vous permettront de réussir. Il est essentiel de se rappeler que chaque échec est une occasion d'apprendre et de s'améliorer. En gardant ces principes à l'esprit, vous serez en mesure de relever les défis et de trouver de la satisfaction dans vos réalisations.
À propos de Yaoping HU
Née en Chine, Yaoping Hu a obtenu son doctorat en robotique et neurosciences à l'université de Western Ontario en 2000. Elle a ensuite effectué un stage post-doctoral au Japon avant de rejoindre le Conseil national de la recherche du Canada. Depuis 2004, elle est professeur à l'université de Calgary, où elle dirige actuellement le programme Schulich Momentum sur le monde hyperconnecté et notre avenir numérique. Elle est également membre associé du Hotchkiss Brain Institute et a reçu plusieurs prix pour ses recherches sur l'interaction homme-machine et les environnements virtuels.