Lancé il y a plus d’un an, le projet de recherche européen INEDIT (« Open INnovation Ecosystems for Do It Together process ») propose une nouvelle approche de co-création et de fabrication de meubles pour tous, grâce à une plateforme liant Open Innovation et Open Manufacturing, Point sur ce projet porté par l'Institut Arts et Métiers de Laval et le laboratoire de recherche LAMPA avec Benjamin Poussard, coordinateur du projet INEDIT pour Arts et Métiers.
Le projet INEDIT, c’est quoi ?
Ce projet européen, doté d’un budget de 7 millions d’euros par la Commission européenne, rassemble un consortium de 14 partenaires issus de 8 pays différents (Allemagne, Espagne, France, Italie, Pays-Bas, Pologne, Portugal, Suisse). Il a été imaginé et il est piloté par l’Institut Arts et Métiers de Laval avec l’aide de la cellule Europe des Arts et Métiers à Paris.
L’objectif du projet INEDIT est de permettre à un consommateur d’imaginer lui-même et de faire fabriquer en local son propre meuble. Pour cela, une plate-forme d’Open Innovation et de co-création est développée et expérimentée à l’échelle européenne. Les enjeux sont nombreux, il s’agit notamment de :
- Favoriser la compréhension des besoins et la créativité dans la phase de conception
- Réduire le temps entre l’expression du besoin et la fabrication du meuble
- Faciliter le processus de fabrication au sein d’écosystèmes locaux de production dans un contexte d’économie circulaire
Dans la logique “Do It Together” (faire ensemble) qui est développée, le consommateur peut ainsi s’appuyer sur une communauté de designers pour être accompagné dans sa conception et sur un réseau européen de fabricants pour la réalisation de son meuble. INEDIT explore de nombreuses fonctionnalités allant au-delà de la configuration de meubles et offrant de nouvelles opportunités aux utilisateurs :
- Côté conception, il s’agit de rendre accessible le scan 3D de pièces d’habitation, la réalité virtuelle pour la création, l’inspiration par la suggestion de formes en 3D et un système de recommandations, la « smartification » grâce à l’ajout de capteurs intelligents et connectés fonctionnalisant le meuble (alerte en cas de chute par exemple), et même l’évaluation environnementale de ce meuble avant l’achat ;
- Côté fabrication, différentes technologies sont explorées afin de caractériser les possibilités offertes par cette nouvelle approche, l’évaluer, et la rendre réplicable à l’échelle Européenne : opérations sur panneaux de bois, fabrication additive de plastique recyclé ou de bois. De ces cas d’usages seront définies des « Open Manufacturing Demonstration Facilities », un modèle de plateformes physiques équipées de moyens de production et intégrant l’approche INEDIT. Toute la chaîne numérique est étudiée pour garantir la fluidité du processus.
Les compétences de l’Institut de Laval au cœur du projet
Spécialisé dans les Interfaces Hommes Machines (IHM) et les applications innovantes des technologies immersives (RV-RA), Arts et Métiers Laval a en charge le développement de la chaine numérique de l’idée à la conception ainsi que des fonctionnalités dédiées au processus de co-création. En plus de l’aspect technologique, les facteurs humains impactant l’expérience des outils utilisés seront évalués pour en maximiser l’ergonomie, l’acceptabilité et la performance. De la définition du meuble à sa modélisation, l’Institut de Laval a pour mission de répondre aux questions technologiques et d’ergonomie cognitive qui faciliteront l’adoption massive de tels outils.
Mixer outils de dessins et de design dans un même environnement immersif
L’Institut de Laval développe et expérimente actuellement un processus permettant d’imaginer son meuble dans la pièce qu’il aura scannée à l’aide de son smartphone. Pourquoi ? Plus besoin de mesurer ! L’utilisateur immergé en réalité virtuelle dans sa propre pièce peut imaginer sans limite, communiquer et valider les concepts qui répondent à son besoin. En bonus, il peut utiliser son smartphone pour valider en réalité augmentée le rendu de son meuble avant sa fabrication.
Figure 2. l’utilisateur scanne en quelque secondes sa pièce d’habitation et la retrouve dans son interface de gestion de projets
Une palette de possibilités et de solutions est proposée au consommateur qui peut esquisser et concevoir son meuble à l’aide de la réalité virtuelle. Il peut se faire aider par un designer. « Le but est de mettre en relation le consommateur avec des designers dans la pièce scannée. Le meuble est ainsi co-créé dans des environnements immersifs lors de réunions collaboratives garantissant une meilleure compréhension mutuelle », précise Benjamin Poussard.
Pourquoi en réalité virtuelle ? « Le scan permet de récupérer automatiquement les dimensions de la pièce d’habitation du consommateur final et, grâce à l’immersion en réalité virtuelle, le porteur de projet peut mieux se projeter. Il est en mesure de créer des formes, les contextualiser par rapport aux autres meubles de l’environnement, se déplacer autour de son concept en ayant une meilleure idée de ses proportions et de ses fonctions. Il visualise ainsi en immersion différentes représentations de son meuble. Être immergé en réalité virtuelle permet d’améliorer la prise de décisions en visualisant directement les avantages et les inconvénients possibles », explique Benjamin Poussard.
Figure 3. Exemple de dessin réalisé par un utilisateur en immersion dans la pièce scannée. L’utilisateur a également contextualisé l’usage du meuble en dessinant une télévision.
Une fois le concept validé arrive l’étape de la conception du meuble. L’enjeu est, à partir du dessin, de produire la CAO du meuble. L’objectif est d’utiliser le même environnement virtuel et de basculer du mode « créativité » au mode « design » au travers d’outils de conception innovants.
Le consommateur ou le designer peut, toujours en réalité virtuelle, prendre des planches de bois, les percer, les assembler, comme en réel, et réaliser son meuble sans se blesser, à partir du dessin initial ! Il peut également dessiner des formes plus libres, qui pourront être réalisées en fabrication additive plastique ou bois par exemple ! »
Figure 4. Un utilisateur s'appuie sur le dessin pour couper et assembler les panneaux de bois en quelques minutes à la manière d'un jeu de construction, il en produit ainsi l'ensemble des données nécessaires à la production et l'assemblage
Des outils en réalité virtuelle à la pointe de l’innovation
La co-création en réalité virtuelle entre un consommateur et un designer est un aspect essentiel du projet INEDIT dédié au « Do-It-Together » (faire ensemble). Les outils développés par l’équipe de Laval, qui pilote par ailleurs la Chaire « Time to Concept, permettent de rendre la modélisation 3D du meuble plus accessible et d’échanger plus facilement entre les parties prenantes et ce, tout au long des différentes étapes du projet.
Le point clé du projet est le transfert et l’intégration de ces nouvelles méthodes et technologies dans le processus complet de la plateforme (site web et applications dédiées).
Quand on utilise cette plateforme, les données de production sont envoyées au fabricant partenaire le plus proche et un guide d’assemblage interactif est créé. Tout cela doit être automatiquement généré, ce qui est un enjeu technique non négligeable !
Pour mener à bien ces projets, Amani Ghadhab, ingénieure, est venue renforcer l’équipe de Laval depuis le mois d’octobre 2020. Elle travaille plus particulièrement sur les outils de design immersif, et, pour aller plus loin sur les expérimentations, l’Institut de Laval souhaite embaucher 2 post-doctorant(e)s en 2021 pour approfondir ses recherches en ergonomie et interactions homme-machine appliquées à INEDIT.
Arts et Métiers, coordinateur du projet
Arts et Métiers, coordinateur du projet INEDIT, bénéficie d’une vision d’ensemble de tout le processus, de la créativité à la fabrication. « Arts et Métiers est légitime pour porter ce type de projet pluridisciplinaire car nous développons des connaissances sur l’intégralité de la chaine, de la conception à la fabrication. Nous comprenons les enjeux de chaque partie-prenante et notamment des industriels fabricants et designers pour qui cette approche pourrait offrir de belles opportunités », précise Benjamin Poussard.
Les axes prioritaires en 2021
Du côté des outils, l’application de scan 3D est en cours de finalisation et les outils de dessins seront testés et évalués au mois d’avril 2021. Quant aux outils de design, ils le seront au mois d’octobre 2021. « En parallèle du développement technologique, nous devons évaluer les facteurs qui impactent la créativité, l’expérience des utilisateurs et leur performance à l’utilisation de tels outils, ce que nous avons appris à faire à Laval dans le cadre de la Chaire Time to Concept » explique Benjamin.
Pour Benjamin Poussard, l’objectif est double : évaluer individuellement chaque technologie développée, puis évaluer le processus complet intégrant les outils sur une seule et unique plateforme. Une série de démonstrations et d’expérimentations est prévue durant ces 18 prochains mois pour atteindre cet objectif.
Le projet INEDIT est un projet d’innovation pluridisciplinaire avec une vision long terme. Nous sommes en avance de phase et nous serons prêts à offrir des services incontournables lorsque le marché sera prêt ! »
Rendez-vous en 2022 pour tester la plateforme INEDIT !