Dans un contexte de changement climatique les entreprises européennes sont amenées à se poser de nombreuses questions stratégiques pour se développer et pour se projeter dans l’avenir. Quelle ville choisir pour implanter un magasin ? Comment se conformer aux nouvelles réglementations de divulgation de l’exposition aux risques climatiques ? Pour aider les entreprises et répondre à leurs interrogations, Valentin COURQUIN, doctorant au sein du LAMPA sur le campus Arts et Métiers d’Angers et assistant recherche à l’ESSCA d’Angers, étudie comment le climat va impacter nos entreprises européennes.
Ingénieur en génie des systèmes industriels, avec une spécialisation en sciences météo climatique, Valentin Courquin se passionne depuis tout petit pour le climat. Avec 7 entreprises sur 10 dans le monde exposées aux aléas du climat et avec une augmentation de 35% en 10 ans des événements extrêmes en Europe, les entreprises se trouvent confrontées à un grand défi écologique mais aussi économique.
« Je me suis rendu compte qu’il y avait vraiment besoin d’évaluer cet impact du climat sur les entreprises avec l’accélération du changement climatique. Il va leur falloir s’adapter et anticiper pour éviter le risque maximum qui est l’interruption de leur activité! », explique Valentin.
C’est tout l’intérêt de sa thèse qui nécessite en préambule une recherche et une réflexion sur la gestion des données climatiques et financières avant de construire des modèles d’impacts. Pour ce faire, Valentin s’appuie sur son Directeur de thèse Amine AMMAR, Directeur Adjoint du LAMPA et sa Directrice de thèse à l’ESSCA d’Angers, Miia Chabot, professeure de finance.
Rechercher des données…oui mais lesquelles ?
Travailler sur l’impact du climat sur l’activité économique des entreprises européennes c’est aussi surtout chercher les bonnes données ! Quelles sont les conditions météo qui affectent une entreprise, quel est le risque financier auquel elle est exposée… Comment mesurer ce risque?
Le cœur du travail de Valentin est d’évaluer l’impact financier sur les entreprises des aléas climatiques : les anomalies (écart de températures par rapports à des moyennes calculées sur 30 ans), et les événements extrêmes comme les tempêtes ou les inondations. C’est ce qu’on appelle le risque climatique physique …
Il faut aider les entreprises à comprendre ce risque pour les aider à s’adapter, être plus résilientes au cours des prochaines décennies. Cela leur parait loin alors que finalement il y a une sévérité des phénomènes climatiques qui eux aujourd’hui sont bien présents, explique Valentin.
Récupérer les données climatiques et données financières : pour quoi faire ?
Récupérer les données climatiques (températures, précipitations…) permettra de construire des indicateurs climatiques (par exemple le nombre de jours de chaleurs dans l’année ou le nombre consécutif de jours de sécheresse). Des données d’indicateurs de performance financiers d’entreprises seront également récupérées, comme celles issues des rapports annuels. C’est ce qui permettra d’établir des modèles d’impacts pour connecter le climat à l’économie. Au regard des données passées, l’enjeu sera d’extrapoler des projections futures en prenant également en compte les données du GIEC qui évalue l’évolution du climat. Du côté des données des entreprises Valentin identifiera leurs spécificités à l’échelle d’un secteur d’activité ou d’un territoire. Par exemple un commerce sera exposé différemment selon s’il est en bord de mer en France ou en montagne en Suisse… Aussi, Valentin utilisera la cartographie des lieux d’implantations des entreprises au niveau européen afin de sélectionner les données climatiques adaptées aux activités spécifiques des entreprises. « Je vais utiliser des données de stations météorologiques et des données de grilles avec des résolutions très fines et des coordonnées géographiques ciblées. Je travaille par exemple avec des résolutions de 20 km² ».
Créer une plateforme avec l’aide de l’intelligence artificielle
Après cette étape de récolte, d’analyse des données et de création de modèles, Valentin souhaite construire une plateforme informatique avec l’aide de l’intelligence artificielle. Cette dernière permettra aux entreprises de mesurer leurs risques climatiques et de savoir comment ajuster leurs pratiques pour mieux s’adapter.
« Aujourd’hui on demande aux entreprises d’évaluer leurs expositions aux risques extra-financiers, mais aussi aux risques climatiques avec l’émergence de nouveaux cadres réglementaires comme le CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive). De nombreuses entreprises évaluent à cet effet leurs expositions et impacts au risque de transition (publications des émissions de gaz à effet de serre ou politique zéro-carbone par exemple), mais on n’impose pas aux entreprises d’évaluer leurs expositions aux risques physiques mais ça va arriver avec l’émergence de nouveaux cadres réglementaires s’appuyant sur des recommandations comme celles du TCFD (La Task Force on Climate-related Financial Disclosures) ! »
Valentin a donc du pain sur la planche. Rendez-vous dans trois ans pour tester cette nouvelle plateforme qui permettra aux entreprises de sortir du brouillard climatique !