En 2024, Arts et Métiers compte six chaires de recherche et deux autres devraient être signées dans les prochains mois. Quels sont les avantages de ce dispositif ? Les réponses de Sofiane Khelladi (enseignant-chercheur), Eléanor Fontaine (directrice de la recherche) avec également le point de vue de Stéphane Desmaison et Bertrand Coulon (AMVALOR).
« Une chaire, c’est un contrat pluriannuel sur cinq ans avec un ou plusieurs industriels, explique Eléanor Fontaine. Leur thématique porte toujours sur une vraie problématique industrielle : relever les défis des mondes virtuels et des technologies immersives pour I perform, la maîtrise des systèmes hydromécaniques haute vitesse pour BELISAMA ou encore l’optimisation des performances des systèmes de lévitation magnétique grâce au Scientific Machine Learning pour φML. »
Des problématiques réelles d’actualité
« Au sein d’une chaire, nous travaillons sur de nouvelles thématiques de recherche qui apporte à la société car il s’agit de problématiques réelles et d’actualité, précise Sofiane Khelladi qui a monté avec Valéo la chaire ISYTHERM 2. Nos travaux auront un impact sur les véhicules électriques qui seront commercialisés dans les prochaines années. »
Une visibilité sur le financement
Autre avantage pour l’enseignant-chercheur : « La chaire permet d’avoir une visibilité de cinq ans sur les finances. C’est rassurant car il faut payer les ingénieurs et financer le matériel. De plus, les chercheurs et ingénieurs du laboratoire peuvent profiter des équipements apportés par Valéo. Enfin, avoir été choisi par cette multinationale pour une chaire est une belle reconnaissance de notre expertise ! »
« Les chaires permettent aussi de financer des doctorants et post doctorants, complète Eléanor Fontaine. Chacune donne lieu à deux voire trois thèses sur de vraies problématiques R&D, par exemple celles dirigées par Olivier Thomas grâce à laquelle Valéo a reçu un automotive News Pace Award en 2022. »
Cinq des six chaires de recherche Arts et Métiers sont portées par AMValor. « Nous avons testé différents montages financiers et c’est celui qui s’est révélé le plus souple et agile », précise Eléanor Fontaine.
Resserrer les liens avec les industriels
Dans la plupart des cas, les chaires sont montées suite à plusieurs contrats de recherche avec les entreprises. Et le dispositif resserre encore les liens avec les industriels. « Des réunions sont organisées régulièrement avec les porteurs Arts et Métiers, les entreprises, la direction recherche et AM Valor. Résultat, on se connaît encore mieux à la fin ! »
Arts et Métiers souhaite donc encore développer ce dispositif. « Nous nous intéressons notamment aux appels à projets de chaires de l’ANR (Agence nationale de la recherche). Leur avantage, c’est que l’agence apporte un financement à hauteur de celui de l’industriel. Cela double donc le budget pour les partenaires ! »
Les chaires Arts et Métiers
- I perform, avec Alstom, Chanel et Pôle Emploi
- Porteur Arts et Métiers : Simon Richir
- Création en février 2023
- Thématique : la performance collaborative via les technologies immersives et les mondes virtuels
- BELISAMA, avec SAFRAN Aircraft Engines
- Porteur Arts et Métiers : Farid Bakir
- Création en avril 2023
- Thématique : la maîtrise des systèmes hydromécaniques haute vitesse
- Chimera avec RTE
- Porteur Arts et Métiers : Xavier Kestelyn et Francisco Chinesta
- Création en juin 2023
- Thématique : l'hybridation des modèles physiques par la donnée
- φML avec SKF
- Porteur Arts et Métiers : Chady Ghnatios
- Création en janvier 2023
- Thématique : l’optimisation des performances des systèmes de lévitation magnétique grâce au Scientific Machine Learning
- ISYTHERM 2 avec Valéo
- Porteur Arts et Métiers : Sofiane Khelladi
- Création en novembre 2023
- Thématique : management thermique des batteries électriques pour l'optimisation du temps de charge
- Mines urbaines avec l’ENSCP et Mines Paris
- Porteur Arts et Métiers : Carole Charbuillet
- Création en février 2014
- Thématique : le développement et la valorisation des activités de recherche en matière de recyclage et d’éco-conception
AMVALOR : dans les coulisses des chaires de recherche
Stéphane Desmaison, directeur d’AMVALOR et Bertrand Coulon, directeur du développement d’AMVALOR et de l’Institut Carnot ARTS, nous expliquent les enjeux de tels partenariats et leurs facteurs clés de succès.
L’équipe de direction d’AMVALOR (de droite à gauche : Bertrand Coulon, Stéphane Desmaison et Valérie Delahaye) entourée par les délégués régionaux et chargés d’affaires.
Pourquoi est-il si important de mettre en place ce type de partenariats de recherche ?
SD : Aujourd’hui, les entreprises ont à la fois besoin de s’inscrire dans les grandes transformations à moyen terme, en faveur de la transition écologique et énergétique mais aussi d’être en temps réel au top de l’état de l’art. Nos chaires de recherche industrielle permettent de satisfaire cette double temporalité. En s’associant aux laboratoires Arts et Métiers, nos partenaires industriels se projettent sur une feuille de route d’innovation, tout en s’assurant d’un accès immédiat et privilégié à l’expertise de nos chercheurs pendant toute la durée du partenariat.
De notre côté, ces accords pluriannuels sont également indispensables : ils nous permettent de sécuriser nos ressources et nos effectifs, tout en construisant des liens de proximité et de confiance forts et durables avec les partenaires
En bref, il s’agit de projets très structurants aussi bien dans la relation partenariale qu’à l’interne.
Comment concrétise-t-on ce type de partenariat ?
BC : La confiance se construit sur le long terme. On ne commence presque jamais une relation partenariale en signant une chaire de recherche. Elle est généralement précédée par de nombreux échanges scientifiques et contrats de différentes natures : prestations études R&D, diagnostics technologiques, réalisation de POC, encadrement de thèses…
L’un des enjeux avec les grands groupes est de leur fournir une vision globale des toutes les relations qu’ils entretiennent déjà avec nous. L’expérience montre qu’ils ont rarement à disposition cette vision consolidée. C’est à nous de produire la synthèse qui prouve l’assise scientifique de nos équipes sur un spectre large qui dépasse souvent celui identifié par le partenaire industriel sur les travaux de recherche.
SD : Pour transformer le désir mutuel de travailler ensemble sur des sujets bien identifiés par nos chercheurs et l’entreprise en une signature de contrat de chaire sur 5 ans, il faut savoir déployer une vraie technicité dans la négociation. C’est le rôle d’AMVALOR : nos compétences juridiques et administratives, notre agilité et notre réactivité font la différence. C’est à nous de trouver le meilleur véhicule contractuel pour sécuriser et concrétiser l’accord. Cela exige aussi beaucoup de ténacité et de patience…
Selon vous qu’est-ce qui distingue les chaires Arts et Métiers aux yeux des entreprises ?
BC : Bien sûr, tout ce qui fait l’identité forte et unique de notre institution depuis 250 ans. Mais cela ne vaut que grâce à notre formidable capacité à mobiliser pour nos partenaires industriels, l’expertise de tous nos laboratoires. Si une problématique ponctuelle émerge au cours de la chaire et nécessite un apport de ressources scientifiques complémentaires au champ de compétences direct des équipes investies dans le projet, nous savons alors très vite mobiliser cette ressource au sein des 15 laboratoire Arts et Métiers, et plus largement des 23 laboratoires du Carnot ARTS. Cela augmente d’autant le périmètre de compétences R&D auquel tous nos partenaires ont un accès privilégié. Cette puissance du réseau, c’est elle qui fait la différence.
Le deuxième point qui est qui unanimement est plébiscité par nos partenaires, c’est la gouvernance du projet. Un partenariat de recherche sur cinq ans nécessite un vrai pilotage. Nous savons mettre en place et faire vivre tout au long du projet des instances de suivi qui restent très simples et agiles, et qui permettent de prendre les bonnes décisions au bon niveau et au bon moment, pour se saisir à temps des opportunités et aussi pour éviter tout dérapage. C’est grâce à co-pilotage totalement maîtrisée avec nos partenaires industriels, que la plupart des chaires débouchent sur de nouveaux projets.