S’engager dans un voyage humanitaire est une expérience transformatrice, qui dépasse le simple déplacement géographique.
C’est une expérience humaine dédiée aux autres, une valeur essentielle dans la formation suivie par Estelle. Elle est revenue de son voyage avec un regard nouveau sur le monde.
Estelle nous raconte son expérience qui s’est déroulée l’été dernier à Madagascar.
Peux-tu te présenter ?
J’ai fait mes deux premières années d’école d’ingénieur sur le campus d’Aix-en-Provence (Programme Grande Ecole), où j’étais présidente de l’association étudiante environnementale Ecogadz et investie dans l’association humanitaire et solidaire GaSole.
Cette année, j’ai choisi de suivre l’expertise EcoBS (Eco-conception de Biens et de Services) à l’institut de Chambéry. Je voudrais ensuite trouver un métier qui me permettrait d’agir directement pour diminuer notre impact environnemental et de travailler avec des personnes en réinsertion.
Raconte-nous ton expérience à Madagascar ?
Cela fait plusieurs années que je souhaitais faire un voyage humanitaire, d’une part pour me faire ma propre idée de ce qu’est la vie dans des pays pauvres, loin des clichés que l’on peut entendre aux informations. D’autre part, pour contribuer, à mon niveau à améliorer un peu les choses pour des personnes qui en ont besoin.
Je suis partie en mission pour l’association Mada Pitchoun. Il s’agit d’une association humanitaire créée en 2016 et basée à Saint-Laurent-du-Var (06).
Je suis partie seule, à Madagascar dans le petit village d’Ambondromamy, à une journée de route au nord de la capitale Antananarivo.
Tous les matins, je donnais des cours de français aux enfants de l’école. Les après-midis, j’en donnais à des religieuses pour qu’elles puissent, par la suite, enseigner aux enfants.
Je participais également aux tâches de la vie quotidienne. Je suis aussi allée à Antananarivo où j’ai donné des cours de français à des religieuses qui travaillent dans une autre école.
Comment tes études à Arts et Métiers ont pu t’aider dans la réalisation de ce projet ?
J’avais cette envie de faire un voyage humanitaire. La nécessité de faire une mobilité internationale a été l’élément déclencheur. C’était le bon moment pour partir. Je me suis alors mise à la recherche d’une association avec qui monter un projet.
Le fait d’être étudiante aux Arts et Métiers a été un atout pour bénéficier de la confiance de l’association au montage du projet. L’association avait l’habitude de faire partir des étudiantes en médecine pendant deux semaines à Madagascar.
C’est la première fois qu’ils laissaient une étudiante partir seule et pendant un mois. La renommée de l’école m’a aidée à montrer mon sérieux et mon implication.
Peux-tu nous expliquer comment l’association GaSole t’a aidé dans cette aventure ?
Je remercie notre association solidaire GaSole qui a fait don à Mada Pitchoun d’un peu plus de 2 500 €, somme récoltée au cours de l’année grâce à des ventes de crêpes et de panini, lors des différents évènements organisés par les étudiants. Cet argent a été utilisé par Mada Pitchoun pour financer les repas de nombreux enfants pauvres et pour la prise en charge de soins médicaux.
J’ai également apporté de nombreux livres, des instruments de musique pour les enfants, du matériel pour des activités manuelles et des médicaments.
Que retires-tu de ton expérience ?
Garder des traces
Tous les jours, j’ai raconté ma journée dans un cahier. J’ai décrit ce que j’ai vu, les discussions que j’ai eues, ce que j’ai ressenti et ce qui m’a marqué. Je voulais garder une trace de tout ce que je vivais pendant ce voyage qui a été extrêmement riche en émotions et en découvertes.
Durant mon voyage, j’ai été très marquée par la façon dont les gens me remerciaient comme si j’avais fait quelque chose d’énorme, lorsque moi, je n’avais pas l’impression de beaucoup aider.
Un séjour riche en apprentissage
J’ai dû faire preuve de beaucoup d’adaptabilité. Plein de choses ne se sont pas passées comme prévu, j’ai dû trouver des solutions et rebondir.
J’ai découvert un mode de vie très différent du nôtre. Les gens vivent avec très peu de biens matériels. Les maisons en béton sont rares. Il y a beaucoup de maisons en terre et en tôle.
Les gens n’ont pas l’air malheureux. Leurs préoccupations tournent autour des tâches quotidiennes. Ils sont beaucoup moins à courir partout comme nous et ils ont beaucoup moins de stress. Il faut quand même prendre en compte que dans la région où j’étais, il n’y avait pas de famine. Les gens mangent toujours la même chose, essentiellement du riz, mais ils mangent à leur faim, ce qui n’est pas le cas dans toutes les régions de Madagascar.
J’ai énormément appris notamment sur leur culture, mais aussi beaucoup de vocabulaire en malgache. J’ai appris à laver mon linge au lavoir, à me laver au robinet avec un gant, y compris pour les cheveux (je sais maintenant qu’il est possible laver des cheveux longs avec moins de deux litres d’eau). J’ai appris plusieurs recettes malgaches que j’ai notées dans mon cahier. J’ai aussi eu l’occasion d’apprendre quelques danses traditionnelles.
S’adapter aux contraintes
La contrainte principale concerne l’hygiène. Il fallait faire très attention notamment à l’eau. Je ne devais boire que de l’eau en bouteille (même pour le lavage des dents), me laver qu’avec de l’eau de pluie (pas de douche malgré les 30°C). Je ne devais manger que des légumes cuits et des fruits qui s’épluchent. Il fallait également prendre tous les jours un médicament contre le paludisme.
Les déplacements sont aussi une contrainte. A Madagascar, les déplacements sont très longs. Il y a des routes goudronnées, mais elles ne sont pas entretenues, saturées de nids de poule. Les trajets en taxi brousse sont donc très longs et très fatigants. Je devais me déplacer toujours accompagnée par au moins une sœur, pour des raisons de sécurité.
Raconte-nous ta plus belle réussite
J’ai adoré donner des cours aux enfants et organiser des jeux et des activités, adaptés en fonction de leur niveau.
Cela n’a pas toujours été facile. J’étais toute seule pour m’occuper d’une classe de 12 à 22 enfants (les enfants venaient de plus en plus nombreux) qui avaient entre 7 et 15 ans. Je ne connaissais ni leur langue, ni leur culture. J’ai dû énormément m’adapter pour garder leur attention et leur permettre de progresser malgré leurs niveaux très différents. Il a fallu prévoir des activités en plus si certaines ne fonctionnaient pas, s’adapter au manque de matériel.
Comme je suis restée trois semaines au même endroit, cela m’a permis de vraiment voir la progression des enfants au fil des cours, de créer des petits rituels avec eux et donc d’avoir le sentiment d’être réellement utile.
Une petite anecdote. Je voulais apprendre une chanson en français au groupe des plus petits. J’ai dû faire face à de grands moments de solitude, je chantais toute seule et les enfants me regardaient sans bouger, je ne savais pas quoi faire… Mais après plusieurs essais, ça a fonctionné. Ils se sont mis à la chanter tous ensemble ! C’était génial ! Ils m’ont même appris qu’il existait une version malgache à la chanson.
La préparation, clé de la réussite d’un projet humanitaire à l’étranger ? Comment t’es-tu préparée ?
L’organisation d’un voyage humanitaire demande beaucoup de temps de préparation au préalable : billets d’avion, VISA, vaccins, prise de contact avec les personnes sur place pour organiser l’arrivée, préparation des bagages, collecte de livres et de médicaments à emporter.
Dans mon cas, le président de l’association m’a donné les contacts sur place, m’a fourni énormément de conseils pour bien préparer mon voyage et m’a accompagnée tout au long de cette préparation.
L’association est en lien avec une congrégation de religieuses à Madagascar qui s’occupe de plusieurs dispensaires et écoles dans différentes régions. J’ai pu loger gratuitement chez les sœurs en échange de participer à la vie quotidienne.
A mon retour, j’ai travaillé durant un mois dans un refuge de montagne, ce qui m’a permis de financer mon billet d’avion.
Et si c’était à refaire quels conseils donnerais-tu aux étudiants Arts et Métiers qui aimeraient se lancer dans une telle démarche et aventure humanitaire ?
Je pense que le plus important est de s’y prendre bien en avance. Il faut trouver une association avec qui développer un projet et être moteur dans la réalisation de ce projet, mais ne pas arriver avec un projet déjà monté et vouloir l’imposer.
Maintenant que j’y suis allée, j’ai une meilleure vision de ce qui peut aider les personnes là-bas, ce qui me permet en continuant à m’investir dans l’association, de donner du matériel bien ciblé et des conseils à ceux qui aimeraient tenter l’aventure.
En savoir plus sur les actions de Mada Pitchoun
L’association mène de nombreuses actions pour aider les plus démunis à Madagascar. Elle intervient dans plusieurs endroits, notamment à Farafangana, Moramanga et Ambondromamy.
Actions principalement ciblées dans le domaine de la santé, de l’hygiène et de l’éducation, Mada Pitchoun prend en charge la nourriture pour de nombreux enfants, expédie du matériel scolaire et des médicaments pour les dispensaires, construit des écoles et des blocs sanitaires, réalise des formations Hygiène Santé pour les enseignants, finance des interventions chirurgicales pour des enfants qui ont une malformation …
Mada Pitchoun est une association à taille humaine avec un budget et un nombre réduit d’adhérents qui sont très investis. Les membres de l’association qui partent en mission à Madagascar financent leur voyage par leurs propres moyens.