Rencontre avec Ganna Polishko, professeure invitée

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Ganna Polishko est docteure en sciences de l’ingénieur à l’Institut de soudage électrique E.O. Paton de l’Académie nationale des sciences d’Ukraine, où elle est responsable de la collaboration internationale de l’institut. Lors de son séjour en France, elle partage son expérience et son expertise en métallurgie et production de matériaux en tant que professeure invitée au laboratoire I2M.

Rencontre avec Ganna Polishko

Quelles ont été vos motivations pour venir en tant que professeure invitée à Arts et Métiers ? Pouvez-vous nous parler de votre collaboration avec Jean-Marc Olive ?

Ma rencontre avec Jean-Marc Olive est une longue histoire. Un de mes collègues travaillait à l’Université de Sendai au Japon, où il a rencontré Jean-Marc en 2012. Ils ont collaboré sur un projet impliquant de l’acier inoxydable A2. À son retour en Ukraine, il nous a présenté leur travail et ce projet a résonné directement avec le sujet de ma thèse. Jean-Marc et moi avons longtemps essayé de définir un projet commun, mais il nous a fallu beaucoup de temps pour en trouver un. Dans le cadre du programme Nadiya*, nous avons finalement pu aligner nos intérêts scientifiques et organiser cette visite à Bordeaux.

Pendant ce mois d’invitation, nous avons étudié un nouvel alliage acier-bore produit dans notre laboratoire à Kyiv. Nous avons analysé des échantillons au microscope, pour obtenir de nouvelles informations sur la composition chimique et les propriétés mécaniques de l’alliage grâce à l’équipement et à l’expertise du laboratoire I2M.

De plus, nous avons pu initier la rédaction d’un article scientifique conjoint qui n’est pas encore publié. Nous avons également développé un projet très intéressant autour de cet alliage, que nous prévoyons d’utiliser pour fabriquer de nouvelles constructions légères, grâce à des techniques de production innovantes.

*Le Programme Nadiya est un programme de bourses de mobilité pour des scientifiques ukrainien.ne.s dans le domaine de l’ingénierie

Comment vous êtes-vous sentie durant votre séjour ?

Je dois dire que cette expérience a été très enrichissante. L’accueil a été chaleureux et le travail s’est déroulé dans un environnement très ouvert, propice à l’exploration de nouveaux domaines de recherche. Certains membres du laboratoire I2M n’étaient pas forcément familiers avec les matériaux que nous utilisons, mais ils ont montré une grande curiosité et la volonté d’apprendre. Nous avons travaillé ensemble pour découvrir de nouvelles approches, une expérience inédite pour eux autant que pour moi.

Nous continuons à travailler ensemble à distance. Environ deux fois par mois, nous tenons des réunions en ligne pour discuter des résultats et de nouvelles idées. Cela nous permet de continuer à avancer, même après la fin de mon séjour en France.

Quel est le principal avantage de mener des collaborations de recherche avec d'autres pays ? Y a-t-il quelque chose en particulier que vous appréciez dans vos collaborations avec la France ou avec Arts et Métiers ?

Les avantages de ces collaborations sont multiples. Tout d’abord, elles nous permettent d’acquérir de nouvelles connaissances et de créer de nouveaux contacts. En travaillant avec des chercheurs d’autres pays, nous découvrons de nouveaux sujets et, surtout, de nouvelles idées.

La situation en Ukraine a été particulièrement difficile ces deux dernières années. En tant que scientifique, il est devenu compliqué de se concentrer pleinement sur son travail. Cette période en France m’a permis de prendre du recul et de réfléchir plus sereinement à mes travaux, loin des préoccupations quotidiennes. Cela a été l’un des bénéfices les plus importants pour moi.

Pour donner un peu de contexte, j’ai de nouvelles responsabilités, plus administratives, qui m’ont légèrement éloignée de la recherche. Ce changement de pays et d’environnement m’a donné l’opportunité de me replonger dans la science et sur la façon dont nous pouvons appliquer et produire des matériaux innovants. Je me suis donc intéressée au développement d’une technologie d’oxydation à basse émission pour la production de structures légères à partir d’aciers à haute résistance, en utilisant le processus CLM et la fabrication additive en impression 3D. Cela me semble être une approche innovante dans ce domaine en plein essor.

Qu’est-ce qui a suscité votre intérêt pour les matériaux métalliques ? Est-ce le résultat d’un cours particulièrement mémorable ou d’une lecture personnelle ?

C’est une bonne question ! En fait, cela vient de ma famille : mon père était métallurgiste et ma sœur a également étudié la métallurgie à l’Institut polytechnique de Kyiv, en Ukraine. J’ai toujours été entourée par ce milieu. Lorsque je discutais de mes projets et des défis auxquels je faisais face, mes parents me soutenaient souvent et partageaient leurs connaissances. Cela a été inestimable pour moi.

Je me suis rapidement intéressée aux métaux et aux aciers pendant mes études d’ingénierie. J’ai trouvé cela fascinant, car il y a tellement de composants qui influencent les propriétés et les applications des matériaux. J’ai ensuite orienté mes recherches vers le développement de nouveaux matériaux et leur potentiel. C’est un domaine qui me passionne vraiment.

Un point important : dans l’industrie métallurgique, le nombre de femmes est vraiment faible. J’étais souvent la seule femme de l’équipe. Cela a représenté un défi supplémentaire pour trouver ma place. Pour l’anecdote, j’ai été la première femme à soutenir une thèse de doctorat en sciences de l’ingénieur dans mon domaine en Ukraine.

Quand avez-vous décidé de travailler en tant que chercheuse ?

Lorsque j’étais étudiante, je disais ne jamais vouloir travailler dans la recherche. Pourtant, plusieurs membres de ma famille (y compris mes oncles et mes tantes) occupaient des postes en lien avec la recherche. Avant de commencer mon doctorat, j’ai passé un an au ministère de la politique industrielle en Ukraine où j’ai réalisé que le travail de bureau ne me passionnait pas. Je n’aimais pas l’idée d’être coincée dans un bureau toute la journée, avec des horaires rigides et peu de liberté.

La recherche m’a offert une plus grande flexibilité. J’ai la liberté de penser, d’écrire et de travailler à mon propre rythme. Cependant, il y a aussi un inconvénient : même lorsque l’on quitte le bureau, le travail ne s’arrête jamais vraiment. On continue de réfléchir, de développer des idées, et parfois il est difficile de décrocher.

Vous allez organiser un événement axé sur la place des femmes dans les domaines STEM et, plus largement, dans la recherche. Pensez-vous que ces initiatives sont indispensables pour les femmes ? 

Oui, je pense que c’est important, car ce secteur est riche en innovation et recrute énormément avec des salaires attractifs. C’est un secteur très masculin, il est important de le moderniser en y incluant plus de femmes. Il existe de nombreuses organisations dans divers pays qui organisent des événements pour promouvoir la place des femmes, et pas seulement dans les sciences. Pour les STEM en particulier, les politiques de parité de l’Union européenne, mais aussi dans le reste du monde, aident à changer les mentalités et à susciter plus de vocations chez les femmes.

Dans notre domaine, qui inclut la science des matériaux, il est crucial de promouvoir ces événements. Lorsque nous rencontrons d’autres organisations, nous découvrons constamment de nouveaux domaines de recherche et de nouveaux sujets scientifiques. Cette attractivité et cette effervescence dans le domaine doivent être mises en avant pour recruter les jeunes filles qui commencent à étudier ou à travailler dans notre domaine. Il est essentiel de leur montrer que ce n’est pas réservé aux hommes.

Il est important de démontrer que les femmes peuvent également effectuer des travaux traditionnellement perçus comme masculins, comme les métiers de la métallurgie. La promotion des nouvelles technologies, de la robotique et des outils modernes, est un levier pour impliquer les femmes plus largement dans ces domaines et métiers. Ce type d’évènement peut ouvrir des portes et encourager davantage de jeunes femmes à envisager des carrières dans les STEM. Dans l’industrie métallurgique, par exemple, il peut y avoir une certaine réticence à accepter les femmes autour des processus de fusion en raison des conditions de travail difficiles. Il est vrai que manipuler du métal en fusion et travailler dans des conditions de chaleur intense peut être physiquement exigeant. Cela dit, je m’efforce de créer un environnement collaboratif. Dans notre laboratoire, nous avons trouvé des moyens d’intégrer tout le monde, quel que soit le genre. Les hommes et les femmes peuvent travailler ensemble, chacun apportant ses compétences au processus.

Quels conseils donneriez-vous aux étudiantes et étudiants intéressés par une carrière de chercheuse ou de chercheur dans votre domaine ou dans tout autre domaine ?

Je crois que l’ingénierie, la science et les nouvelles technologies sont des domaines passionnants et prometteurs. Il est essentiel de montrer aux jeunes filles envisageant une carrière dans ces domaines qu’ils sont ouverts à toutes et à tous... Il y a de nombreuses opportunités dans la production des métaux, la construction et l’impression 3D, qui sont des secteurs en plein essor. Ces domaines offrent de bonnes perspectives de carrière, avec des salaires attractifs, tant en Ukraine qu’en Europe.

Il est souvent plus facile pour les étudiants de se diriger vers l’industrie plutôt que vers la recherche. Cependant, je crois que les séminaires et les rencontres peuvent montrer que la recherche offre de nombreuses opportunités et avantages. Par exemple, la recherche ouvre des portes à l’international. Que vous souhaitiez vivre en France, en Ukraine ou aux États-Unis, si vous parlez bien anglais, vous avez accès à de nombreuses opportunités. J’ai vu de nombreuses femmes fuir l’Ukraine à cause de la guerre et trouver facilement des emplois en Allemagne, en France, en Italie ou en Espagne. Elles ont pu continuer à travailler dans des laboratoires en métallurgie ou dans d’autres domaines scientifiques.

Il est essentiel de ne pas hésiter à explorer ces possibilités. La recherche est un domaine unique où l’on peut vraiment s’épanouir. Mon conseil à toutes les étudiantes et tous les étudiants est de chercher la connaissance, de faire preuve de curiosité et de frapper à toutes les portes.

Son parcours

 

Ganna Polishko est titulaire d’un doctorat en sciences de l’ingénieur. Elle est actuellement basée à l’Institut de Soudage Électrique E.O. Paton, qui fait partie de l’Académie Nationale des Sciences d’Ukraine à Kyiv, où elle se concentre sur la métallurgie, en particulier l’analyse et le développement de nouveaux alliages. Ganna dirige également les collaborations internationales de l’institut. Dans le cadre du programme Nadiya, elle a passé un mois au laboratoire I2M à Bordeaux. Avec Jean Marc Olive, Ganna organisera en 2025 l’événement ‘Women in STEM’, qui vise à réunir de jeunes ingénieures ukrainiennes et françaises pour promouvoir les carrières STEM auprès des femmes et favoriser la collaboration franco-ukrainienne.

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